Son nom n'était pas Adams.

Telle était la conclusion à laquelle il était parvenu avec le Professeur d'Arithmancie. Ce qu'il pensait être ne l'était pas. Quelques part, il n'était pas vraiment étonné. L'année dernière, après le calcul et l'étude des différents nombres de son nom, il avait remarqué un véritable fossé entre la vision qu'il avait de lui et la vision que les chiffres donnaient de lui. Un bon exemple était le nombre d'expression calculé : 11. Le onze était un chiffre maître, le chiffre que doivent posséder les grands de ce monde. Force physique et mentale, ambition, domination, brutalité. Il ne se reconnaissait pas dans tout cela. Si au contraire de William Lupin, il n'avait pas fait de scandale, on ne peut pas dire pour autant qu'il ait apprécié. Il s'en était ouvert au Professeur, qui lui avait naturellement fait la remarque, évidente, que sans connaître son père, il était difficile de dire si Adams était réellement son nom de famille.

Non pas que le nom de famille soit obligatoirement transmis par le père. Il existait des cas où le nom de la mère était plus important. Il s'agissait d'un phénomène mystérieux qui faisait que quelqu'un héritait ou non d'une part de la personalité de son père ou de sa mère. Ils discutèrent longuement de cet héritage. Puis le Professeur Vector avait évoqué d'autres moyens de déterminer les nombres d'expression, actifs, héréditaires, intimes et de réalisation d'une personne. Une méthode lente et complexe demandant de sa part énormément de travail. Il avait par exemple du tracer son profil astrologique entièrement, utiliser des cartes de tarots pour définir d'avantage sa propre personne, et tout ce travail aboutit à des carrés magiques donnant sa numérologie.

Le résultat pour lui ne fut donc pas étonnant. Comme le Professeur lui avait dit, il avait bien hérité du nom de son père et non de sa mère. Mais cette dernière a toujours refusé de le lui dire. Pourtant, Ferkad ne considérait pas vraiment ce père comme un père, d'avantage comme un géniteur. Il était le fils de Ruby, c'était tout ce qui comptait pour lui.

On pourrait croire que déterminer sa véritable numérologie aurait rassuré Ferkad. Les chiffres lui donnaient un profil dans lequel il se reconnaissait pleinement. Oui, mais voilà, sa date de naissance ne changeait pas, son chemin de vie restait le même. Et ce chemin de vie était en parfaite opposition avec tout ce qui le composait. Il haïssait ce chemin.

"Votre chemin sera difficile si le nombre 8 est manquant dans votre numérologie, de même que si vous avez le 4 ou le 7 comme nombre d’expression. Si votre nombre d’expression est le 2 ou le 9, vous ne serez pas toujours à l’aise sur le chemin de vie 8."

Hors, le nombre d'expression qu'il venait d'obtenir était un 7. Un chiffre lui correspondant parfaitement. Un chiffre présent trois fois dans sa numérologie. Il voulut immédiatement faire des recherches supplémentaires, pour étudier les cas où la numérologie des lettres était ainsi en opposition avec le chemin de vie d'une personne, quand un grand bruit résonna dans la bibliothèque.

Cette grande pièce, un refuge pour le jeune Serdaigle, fut soudainement innondée de bruit. En relevant la tête, Ferkad apperçu tout de suite la raison de ce chambardement. Lupin venait d'arriver avec à sa suite une dizaine de Poufsouffle et de Gryffondor chahutant sur le match de Quidditch prévu le lendemain et opposant les deux équipes.

Il était censé travailler. Il avait prit du retard dans ses devoirs afin de s’entraîner tard le soir pour leur prochain match de Quidditch, demain. Même s’ils étaient en tête, il était hors de question pour Ted de se relâcher. Malheureusement, le temps n’était pas extensible. Il devait absolument finir son devoir sur les chemins de vie. Il s’était dit qu’en partant tôt de sa salle commune, il serait tranquille. Mais c’était sans compter sa sale manie de faire le malin. Il n’a même pas fait attention au pourquoi du comment, mais en tout cas, il avait à sa suite des dizaines d’élèves de Poufsouffle et de Gryffondor discutant de leur futur match et se tirant la bourre.

Poufsouffle et Gryffondor s’entendaient en général plutôt bien. La plupart des défis balancés le restaient dans la bonne humeur. Mais il y avait toujours cette tension d’avant match, car les deux camps désiraient à tout prix l’emporter. Sans compter que certains Gryffondor jugeaient qu’il aurait du aller chez les lions plutôt que chez les blaireaux. Ce à quoi Ted se contentait en général de répondre par un haussement d’épaule ou un regard noir. Il était bien où il était.

Il devait aller à la bibliothèque et il n’avait pas moyen de se séparer d’eux. Pourtant, Ted détestait devoir travailler sous le regard des autres. Depuis plus d’un an, depuis qu’il avait gagné en popularité, il faisait tout son possible pour ne surtout jamais qu’on le voit travailler, tout ça pour donner l’illusion que tout cela venait d’un talent inné. Le talent était toujours plus envié que le travail. Plus respecté. Mais bon. Il devait bien travailler de temps en temps, puisque Ted rendait toujours ses devoirs à temps.

Il soupira en entrant dans le lieu sacré de Mme Pince suivi de sa cohorte qui ne baissa pas d’un ton. Les lieux étaient encore déserts. Ah non, pas tout à fait. Adams était là. Il n’allait probablement pas apprécier. Remarque, la bibliothécaire non plus. Il serait peut être sauvé par la vieille chouette. Ou alors, il allait faire fuir Adams. Il devait s’installer dans le même coin que le Serdaigle fréquentait présentement.

« Les gars, j’suis pas sûr que ça vous intéresse ici, vous devriez aller faire vos devoirs ailleurs. »

Il n’allait pas argumenter avec eux. Mais il leur signala clairement, en s’installant non loin d’Adams qu’il travaillerait ici, dans le rayon Artihmancie, éloigné des autres coins. Il ne répondit pas à ceux qui l’incitaient à le faire bouger. Les premiers à abandonner furent les Gryffondor. Puis la maîtresse des lieux arriva et donna un coup de pied au cul des autres pour les faire dégager. Après tout ce cinéma, Ted adressa la parole à Adams.

« Désolé... »

Il savait à quel point celui ci aimait le calme et le silence. Mais au moins, il ne l’avait pas fait fuir. Là, il s’en serait peut être un peu voulu.

Il tâcha de se faire tout petit, de ne pas se faire remarquer. Non seulement, il n'appréciait pas le bruit, mais en plus, il avait toujours un peu de mal avec les sportifs, les joueurs de Quidditch mais surtout les fan. Pourtant, Lupin se dirigea droit vers la table du rayon où il se trouvait actuellement. Et sa tentative d'écarter ses amis fut superbement ignorée. Dans le plus grand des brouhahas, ils commencèrent à s'installer non sans se plaindre du rayon, puisque à leurs yeux, il traitait d'un domaine de la magie tout à fait insignifiant.

Il y avait quelque part un vrai décalage entre Lupin et ses amis. Pour le voir étudier en classe d'arithmancie, Ferkad le savait intéressé et sérieux. Pourtant, là, il ne disait rien, laissait dire, comme s'il approuvait. Il avait sortit son propre grimoire, du parchemin, une plume et de l'encre. C'est vrai, ils avaient ce devoir à rendre pour la semaine prochaine. Lupin était en retard.

Peu à peu, l'absence de réponse de Lupin finit par faire fuir la moitié, tandis que l'intervention de Mme Pince les débarrassa des autres. Aussi vite qu'il était parti, le silence se réinstalla. A l'exception d'un petit mot soufflé par Lupin, s'excusant de ce grand chambardement.

« Nan, c'est rien... »

Il avait été à deux doigts de fuir, mais finalement, il s'en était abstenu. Il avait encore des réponses à chercher ici. Des réponses sur les interactions entre chemin de vie et étude numérique du nom. Ce qui finalement, lui rappelait le devoir à faire. Il l'avait déjà fait, mais des recherches complémentaires pourraient peut être l'aider. Il pourrait aussi s'en servir pour améliorer son propre devoir. Ferkad se saisit d'un grimoire dans les étagères et le tendit vers Lupin.

« Tiens, celui là est une bonne référence pour le devoir. Bien mieux que notre grimoire pour le cours en tout cas. »

Quand à lui, il se saisit d'un autre grimoire, bien plus épais, pour répondre à ses interrogations.

Attendez… Stop… Petite pause. Est ce que Adams était en train de l’aider à faire son devoir ? Sérieusement ? Il ne s’y attendait pas du tout. Est ce que le Serdaigle le sous estimait au point de juger nécessaire de lui donner un grimoire où chercher ?

En toute honnêteté, Ted ne savait pas comment le prendre. Il pourrait se vexer, bien sûr, mais il était vrai qu’il laissait paraître une attitude désinvolte de cancre aussi souvent que possible. Mais tout de même, pourquoi est ce que Adams l’aiderait ? Il n’avait aucune raison de le faire. Parce qu’il était ami avec Pearl et Serena ? C’était envisageable, mais tout de même.

Soyons franc, le fait qu’on lui servait de l’aide comme ça, sur un plateau d’argent, ça le vexait autant que ça l’arrangeait. Une petite guerre mentale se livra dans sa tête alors qu’il fixait le grimoire. Puis il décida finalement qu’il n’allait pas s’interdire d’utiliser ce bouquin parce qu’un autre le lui avait donné. Si ça avait été un tuyau de Serena, il n’aurait même pas hésité. Il ouvrit donc le livre et commença à le feuilleter. Calcul des chemins de vie, démonstration mathématique expliquant pourquoi les deux façons de calculer donnent toujours le même résultat, explications sur les différents résultats et une liste non exhaustive des interférences entre les chemins de vie et la numérologie du nom. Il n’y avait pas à dire, c’était un grimoire très complet.

« Et donc, puisque tu as finis, qu’est ce que tu fous encore le nez dans ces grimoires ? Tu t’apprêtes à prévoir le résultat de demain ? »

Ted était presque certain que c’était dans les cordes de Ferkad, avec ou sans numérologie. Pearl lui avait confié que son cousin possédait depuis la petite enfance le don de double vue. Et à choisir, le Poufsouffle préférait largement être un métamorphomage.

Le grimoire qu'il avait désormais en mains lui donnait d'avantage de précision sur son chemin de vie, même si l'essentiel restait vrai. Mais d'une façon différente, qui le rassurait. Ce n'était pas qu'il devait aller chercher la réussite matérielle, l'argent et l'abondance pour être heureux. Non, cela indiquait d'avantage qu'il serait confronté à ces questions, qu'il aura des choix à faire, mais aussi, qu'il pourra en faire profiter le monde. Le chemin de vie 8 n'est pas uniquement matérialiste, il peut aussi être spirituel, car sa richesse à apporter au monde peut tout simplement être sa sagesse. Ces informations supplémentaires le rassuraient, lui permettant de moins haïr ce chemin de vie.

Dans sa lecture, il avait occulté Lupin à ses côtés, mais la voix de celui ci le ramena dans la bibliothèque. Il se saisit de sa plume afin de prendre des notes et de nuancer le chemin de vie 8 dans celles ci, pour modifier son devoir plus tard.

« Pourquoi chercher à savoir le résultat d'un match de Quidditch ? Cela ôterait une grande partie de ce qui fait le Quidditch. Si je te disais maintenant le résultat, aurais tu toujours la même envie d'aller sur le terrain pour disputer ce match ? »

Lever le voile sur le futur n'était pas un acte anodin. Certaines prophéties étaient immuables, mais les méthodes de divinations douces laissaient place à quelques changements possibles. Juste quelques. Quand il avait fait son premier rêve divinatoires, il avait su que ce barrage était condamné à céder sous la crue. Sa mère put uniquement changer le moment où il cèderait, pour sauver la vie des villageois.

Si maintenant, il faisait boire une tasse de thé à Lupin et voyait ensuite dans les feuilles un signe de victoire, est ce que celle ci se réaliserait même si Lupin abandonnait le match ? Sans compter qu'il était même possible que ce signe soit pour la Coupe et non le match. Ou alors, quelque chose d'autre. Parfois, les feuilles étaient capricieuses et ne donnaient pas la réponse voulue, mais une autre. Les boules de cristal étaient un peu moins susceptibles de vous induire en erreur, mais le doute resterait le même. Sans compter l'éternelle question. Est ce que lever le voile sur le futur fixait à jamais un évènement ?

Enfin, il était presque sûr que divulguer les résultats d'un match à l'aide d'une divination était contraire à toute éthique sportive et aux règles entourant les paris, bien que ceux ci se fassent de toute façon tous sous les capes à Poudlard.

Au final, il n'avait pas souhaité confier à Lupin la nature de son travail. C'était une chose personnelle et même si le Poufsouffle pourrait comprendre, en regard au choc qu'il eut l'an passé devant sa numérologie, il restait un étranger. Il se confierait d'abord à sa famille.

La réponse d'Adams était intéressante. Parce qu'il venait d'esquiver la question du Poufsouffle. Ted en déduisit rapidement qu'il s'agissait de quelque chose de personnel et comprit donc qu'il ne devrait pas fouiner plus. A la place, il saisit la perche tendue par Ferkad pour l'éloigner du dit sujet. Et puis, Ted était toujours prêt à parler de Quidditch.

« Tu aurais beau prévoir la victoire de Poufsouffle, je devrais quand même aller sur le terrain et tout donner pour l'obtenir. Et si tu avais prévu la victoire de nos adversaires, j'aurais tout donné juste pour te donner tord et gagner quand même. »

Parce qu'il était comme ça lui. Il aimait gagner, mais il aimait surtout se dépasser lors d'un match de Quidditch.

« Moi, je dis que les prévisions, c'est fait pour être combattu. Si tu estimes qu'il y a un Destin, que tout est déjà écrit, alors, tu estimes tout simplement que le libre arbitre n'existe pas. Et si tu n'es pas libre de prendre tes propres décisions, si tu n'es qu'une marionnette... Bah, moi, ça me donnerait envie de flanquer une rouste à celui qui tire les ficelles, mais je doute que ce soit une personne ou même juste une entité. »

Il s'arrêta de parler un moment. Il ne s'attendait pas à parler de trucs aussi... philosophiques. Ce n'était pas vraiment dans son caractère d'ordinaire de se poser des questions de ce genre, même si cette histoire de Destin concernait tout particulièrement son parrain. Harry Potter, avant même qu'il soit né, a vu son destin forgé par une prophétie. Cela avait de quoi interroger, sans aucun doute. Mais cela ne le concernait pas non plus. Les prophéties ne concernaient que les héros et lui n'en était pas un. Il ne deviendrait jamais un héros, il savait trop ce que cela coutait à ceux qui les aimaient. Ou qui allaient les aimer...

C'était étrange, les non dits qu'il sentait, qu'il devinait à travers les mots de Lupin. Mais après tout, il en savait plus sur les prophéties que beaucoup. Et au moment où cette pensée lui vint à l'esprit, il se demanda d'où elle venait. Oubliant sa réserve habituelle, il demanda.

« Quelqu'un de ta famille a été l'objet d'une prophétie ? »

Comme tout le monde, il savait peu de choses sur le Département des Mystères, mais il savait que l'une des choses étudiées étaient les Prophéties.

« Hum, quoi qu'il en soit, les Prophéties, les vraies, sont très différentes de ce que presque tout sorcier est capable de faire en utilisant la Divination et l'Arithmancie, ou même de ce qu'un véritable voyant avec. L'interprétation de mes rêves ordinaires me permet de voir quelques petites choses, mais ce ne rien par rapport à un rêve prophétique, qui lui même ne serait rien face à ce que l'on appelle les prophéties. Il n'y que elles qui ont un impact aussi... tangible sur les évènements et les personnes. Mais même là, les prophéties peuvent se réaliser de façon inattendues. Tu connais peut être l'histoire d’Œdipe ?  »

A la naissance d'Œdipe, l'Oracle avait annoncé qu'il tuerait son père. Alors, le roi son père le confia à un berger, pour le tuer dans la montagne. Mais le berger ne put s'y résoudre et l'abandonna. C'est comme ça qu'il fut retrouvé par le roi de la Cité voisine, qui l'éleva comme son fils. Mais quand Œdipe devint un homme, il apprit la prophétie à son sujet. Horrifié, il décida de quitter la ville, afin de ne pas tuer celui qu'il considérait comme son père. Sur le chemin, il rencontra un vieil homme, qui bloquait sa route. Il se disputa avec lui, et finit par le tuer. Cet homme était son véritable père.

« Les prophéties doivent souvent être entendues pour qu'elles se réalisent. Si le père d'Œdipe n'avait jamais eu vent de cette prophétie, il n'aurait jamais éloigné son fils de lui. Mais aurait-ce été suffisant ? Peut être qu'ils se seraient quand même haït... Peut être que le père aurait du tuer lui même son fils, et non pas le confier à un berger. Mais qui peut dire maintenant ? »

Qui peut dire en effet ? Avec des si, on met Paris en bouteille. Mais le sujet le passionnait tant et si bien qu'il pensait déjà à passer un diplôme PUTOIS en Théorie magique autour des Arts divinatoires.

Okay, c’était peut être intéressant tout ça… Mais au final, Ted était pas certain d’avoir envie de philosopher là dessus. Le Serdaigle semblait beaucoup trop sérieux pour un domaine de la magie que la plupart des sorciers autour du jeune Poufsouffle considérait comme une vaste blague. Sauf en ce qui concernait les prophéties. Ted ne répondit pas à Ferkad, il n’avait pas envie de lui expliquer toute la prophétie autour de son parrain, d’autant plus que ce n’était pas son histoire. Il n’était qu’une note de bas de page de cette histoire, juste l’orphelin d’une nouvelle génération dans la lutte contre le plus terrible mage noir de l’histoire moderne, voire de l’histoire.

« Je crois que tu te prends trop la tête en fait. »

C’était une technique typique de Ted pour mettre fin à une conversation qui l’ennuyait ou qui le gênait. Il reprit plutôt son travail, notamment en sortant une liste avec le calcul de chemin de vie d’une bonne partie de sa presque famille. Les adultes en fait. C’était plus clair en comparant avec ce qu’il connaissait de leur vie de ce faire une idée sur ce que racontait les chemins de vie.

« T’y crois toi ? J’ai calculé le chemin de vie de pas moins de vingt-trois personnes, et pas une seule a pour chemin de vie le 6. »

Lui même avait hérité du numéro trois, comme Georges et Bill. Un chiffre créatif, qui mettait enfin en valeur son expressivité. Lui, il l’aimait bien. Il avait du mal à voir l’optimisme et le livre de cours lui conseillait de ne pas faire le clown -pas en ces termes là mais tout de même- mais autrement, ça lui plaisait.

Mais le chiffre trois lui paraissait en même temps étrange. Peu importe si c’est le chemin de vie, le nombre d’expression ou autre, le chiffre trois était lié à l’image de la famille. Père, mère, enfant. Alors qu’il n’avait plus de parents. C’était une ironie qu’il n’était pas certain d’apprécier. Est ce qu’il devait comprendre que depuis sa naissance, il était condamné à vivre dans l’ombre de ses parents, ou alors, était-ce pour signaler comment la famille allait jouer un rôle important quand lui même serait père ? Ou ce serait les deux à la fois.  Par esprit de contradiction, il ne prit pas tout de suite le grimoire proposé par Adams, mais un autre. Qui lui arracha un rire jaune. Apparemment, c’était le chemin de vie des naïfs et des lâches face aux défis. Il finit par se saisir du grimoire d’Adams, qui allait beaucoup plus loin, et dont le contenu lui plaisait d’avantage.

Il prit en note ce qui l’intéressait. Autodidacte, qui aime enseigner, partager. Rebelle aux conventions. Créatif et original. Risquer des nouveaux projets en partant de rien. Inventer et développer -ça, il était moins sûr. Mais pour le mensonge, c’était le plus compliqué. De même que l’insouciance ou l’indifférence. Il n’était pas en mesure de dénoncer de telles choses, alors que lui même jouait un rôle de jeune con inconscient. Un métier artistique pourrait lui plaire, c’est certain, même s’il rêvait de devenir joueur pro de Quidditch. Quand aux défauts, le grimoire tapait beaucoup trop justes aux yeux de Ted. Oui, il y avait ces moments où il était solitaire et refermé. D’ailleurs, même quand il fait son extraverti, il évite soigneusement de révéler le véritable lui. Les pulsions destructrices, il avait aussi connu. Son intégrité serait mis à l’épreuve alors que des situations devaient le forcer à s’ouvrir, à communiquer avec sincérité. Et alors, enfin, il se débarrasserait de sa peur d’être jugé.

Sa peur d’être sans cesse comparé à ses parents.

Le livre parlait aussi de liens avec l’astrologie et le tarot, mais lui, il n’avait jamais fait de divination. Il releva son regard vers Adams, qui semblait adorer ça, au point de se targuer ouvertement d’avoir le troisième œil.

« Elle implique quoi, la carte de l’Impératrice au tarot ? »

Il aurait presque pensé avoir trouvé quelqu'un pour débattre autour de la philosophie et de la divination, des problèmes que posaient les prophéties, mais c'est finalement un fin de non recevoir qu'il reçut de la part de Lupin. Alors, il se concentra naturellement sur ce qu'il faisait de base. Maintenant qu'il avait déterminé sa véritable numérologie, il se demandait s'il était possible de trouver son véritable nom de famille. Les chiffres pourraient certes l'y aider, mais il n'y avait pas d'équations miracles qui lui donnerait la situation, car il avait une inconnue de taille : il ne savait pas combien de lettre le nom de famille de son père avait. Il se plongea dans les grimoires, ignorant Lupin sur sa première question, qui était de toute façon rhétorique. Mais il répondit tout de même, sans lever les yeux de son grimoire, à la seconde. Peut être parce qu'il ne pouvait pas s'empêcher de répondre à une question portant sur la divination.

« Il s'agit de la troisième arcane du tarot de Marseille. Elle représente l'énergie la puissance féminine qui pense et qui agit. Mais c'est aussi une carte qui parle de créativité et de communication ouverte. Une certaine sensibilité au service de l'échange d'idée. Elle symbolise aussi des relations familiales harmonieuses. Elle a une place centrale dans son cercle familial notamment, elle sait s'imposer dans toute sorte de situation et a une autorité naturelle. Mais attention, la face sombre de l'Impératrice, c'est qu'elle ne laisse pas de place aux autres, elle prend toute l'attention pour elle et elle a une parole blessante. »

Il fronça légèrement des sourcils avant de continuer à expliquer.

« Si tu dépend de cet arcane, on te conseille généralement de t'exprimer, de communiquer, et de pas hésiter à entrer en relation avec les autres. Je crois pas que ce soit un problème pour toi. Il faut aussi être créatif, mettre en œuvre tes idées, développer des projets. Et prendre tes responsabilités. Mais tu dois faire attention à ne pas monopoliser la parole, à laisser les autres s'exprimer. Et tu dois faire attention à ton agressivité. »

Il y avait des choses qui ne collaient pas tout à fait avec ce qu'il connaissait de Lupin. C'est presque son instinct qui le força à continuer, à dire un peu plus encore, juste un peu.

« Tu devrais peut être aussi te montrer plus honnête avec tes sentiments, et faire la paix avec tes parents. »

Il la voyait bien maintenant, cette légère noirceur autour du cœur de Lupin, et même quelques traces de ses parents, qui s'accrochaient à lui, semblant l'étrangler tandis que Lupin faisait tout pour regarder ailleurs. Mais surtout, il savait qu'il avait touché un sujet tabou.

C’était étrange d’entendre toute une partie de sa personnalité être décrite par seulement une carte. Il y avait des choses qui manquaient et il y avait certainement des choses en trop, notamment sur la famille. Mais Ted trouvait vraiment dérangeant que l’on puisse résumer une personne à une carte, comme à un nombre. Au moins, l’arithmancie donnait plusieurs nombres, chacun nuançant les autres. Tout cela le fit grimacer. Puis il eu un sourire moqueur alors qu’il écoutait les conseils de vie de Ferkad pour cette carte de tarot. Prendre ses responsabilités… Pourquoi pas devenir préfet tant qu’il y était (oui, Ted sera déçu quelques mois plus tard en recevant son insigne, quoique…) ? Et il laissait les autres s’exprimer d’abord, tout à fait ! Quand à l’agressivité, Ted se contenta de faire la sourde oreille. Avant de superbement démontrer à quel point il pouvait être agressif.

« Je m’occupe de te dire comment gérer ta relation avec tes parents moi ? Alors, ferme la un peu avant de me causer de faire la paix avec des morts. »

Le ton était sans appel. Et Ted rangeait déjà ses affaires pour partir d’ici le plus vite possible. Ferkad venait sans aucun doute d’évoquer le pire sujet qui soit, un sujet que seul le meilleur ami de Ted osait évoquer devant lui, et pouvait le faire sans risque. Ted dut se retenir de ne pas déchirer quelque chose, prioritairement le livre ou le parchemin de notes du Serdaigle. Il serra les dents, sans lâcher un mot de plus, pour se barrer dans le plus grand des silences.

Peut être que lorsque sa colère sera calmée, il pourra songer aux paroles de l’arabe. Peut être. Rien n’était moins sûr.